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Tribune
EFAS: tous les partenaires tarifaires doivent à présent s’engager!
Ces deux dernières années, le Parlement a adopté deux réformes de la loi sur l’assurance- maladie (LAMal): le projet relatif à la qualité en 2019 et le pilotage des admissions en 2020. Ce dernier octroie des compétences supplémentaires aux cantons pour piloter l’offre de soins ambulatoire.
La plus grande source d’incitations négatives n’est pas éliminée pour autant. J’ai nommé le financement différent des soins stationnaires et ambulatoires. Cette exigence est aussi vieille que la LAMal. Dès 2004, un rapport présentant des variantes d’un financement moniste a été remis au Conseil fédéral, à sa demande. Ce rapport étant resté lettre morte, le Conseil national a pris les travaux en main et adopté un projet à l’automne 2019, malgré l’opposition de la gauche. Depuis, la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) planche sur le projet.
La justification d’un financement uniforme des prestations stationnaires et ambulatoires (EFAS) est claire: il s’agit d’éliminer les incitations négatives et de renforcer les soins intégrés. A l’heure actuelle, les prestations ambulatoires sont intégralement financées par les assureurs-maladie, autrement dit avec les primes des assurés. Les prestations stationnaires sont prises en charge à hauteur de 55% par les cantons et de 45% par les assureurs. Cette règlementation induit diverses incitations néfastes, qui contrecarrent l’objectif de traitements médicalement indiqués, axés sur les avantages et d’un bon rapport coût-efficacité. Le projet EFAS prévoient que les assureurs- maladie paient toutes les prestations. Ainsi les cantons, qui versent actuellement 55% des coûts directement aux hôpitaux pour les soins stationnaires, participent au financement de l’intégralité des prestations et versent leur part qui s’élèverait actuellement, sans incidence sur les coûts, à 25,5% de l’ensemble des coûts AOS, aux assureurs- maladie via l’Institution commune LAMal.
Celle-ci dispose des données relatives aux prestations puisqu’elle gère la compensation des risques entre les assureurs par canton. Le contrôle de l’utilisation des recettes fiscales reste sous la responsabilité des cantons. Pour permettre la mise en oeuvre de l’EFAS, les partenaires tarifaires doivent élaborer des tarifs adéquats et éliminer le financement excessif, ou à l’inverse insuffisant, des traitements ambulatoires. Les forfaits sont indiqués pour les interventions ambulatoires standardisées, car ils permettent d’éviter des prestations supplémentaires inutiles. L’exigence des cantons d’intégrer les soins est justifiée. Les soins et l’aide à domicile par exemple font partie des soins intégrés. Or il existe actuellement 26 variantes de mise en oeuvre pour le financement des soins, tant pour les soins et l’aide à domicile que pour les EMS.
Des bases uniformes doivent donc être élaborées dans un premier temps. De plus, il faut calculer la dynamique des coûts dans le domaine des soins afin d’exclure un transfert de la part de financement des cantons vers les assureurs, autrement dit des contribuables vers les payeurs de primes. La mise en oeuvre est complexe et demande du temps, raison pour laquelle l’introduction de l’EFAS doit se faire par étapes. Les soins ne pourront être intégrés dans l’EFAS que dans un deuxième temps, avec une période de transition suffisamment longue. L’EFAS ne sera un succès que si les acteurs du système de santé – assureurs- maladie, fournisseurs de prestations et cantons – ne se focalisent pas, avec une obsession des détails, sur les intérêts particuliers et qu’ils oeuvrent ensemble dans un esprit constructif pour optimiser les avantages de notre système de santé voire qu’ils entament dans leur domaine de compétences respectif les travaux nécessaires à une mise en oeuvre réussie de l’EFAS.
Ruth Humbel, conseillère nationale Le Centre, Argovie, présidente de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS), auteure de l’initiative parlementaire concernant l’EFAS