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Psychothérapie réalisée par les psychologues : un changement de système qui aura une incidence sur les coûts
500 millions de coûts supplémentaires dans le pire des cas
Gare aux conséquences financières si les psychologues psychothérapeutes peuvent désormais facturer directement à la charge de l’assurance de base ! Une étude vient de quantifier combien ce changement de système pourrait effectivement coûter aux payeurs de primes.
Les psychologues-psychothérapeutes admis à pratiquer revendiquent à juste titre de pouvoir fournir dorénavant leurs prestations à titre indépendant et les facturer pour leur propre compte dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins (AOS), à condition bien entendu que la thérapie ait été prescrite par un spécialiste qualifié. Telle est aussi la volonté du Conseil fédéral qui propose d’adapter en ce sens l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS). Aujourd’hui, les psychothérapeutes ne peuvent facturer à la charge de l’AOS que s’ils sont salariés dans un cabinet médical et travaillent sous la surveillance de spécialistes – principalement des psychiatres. En principe, santésuisse soutient une revalorisation de la profession de psychologue. En même temps, elle a déjà mis en garde le Conseil fédéral, dans le cadre de la procédure de consultation, face aux répercussions financières qu’entraînerait un changement du modèle actuel de psychothérapie déléguée à un modèle de prescription par tout médecin. Une récente étude* du cabinet de conseil B.S.S quantifie pour la première fois les répercussions sur les coûts du changement de système prévu et, lorsque la quantification est impossible, formule des estimations qualitatives sur les liens de causalité.
100 millions : un montant bien loin du compte
Le Conseil fédéral est bien conscient qu’un changement de système va coûter cher. Dans sa proposition d’ordonnance, il table sur des coûts supplémentaires d’environ 100 millions de francs par an. Uniquement plausible à court terme, cette estimation est cependant trop optimiste. Elle tient compte pour l’essentiel du transfert des prestations du domaine des assurances complémentaires vers l’assurance de base, mais occulte totalement des facteurs-clés comme le futur aménagement des tarifs applicables par les psychologues- psychothérapeutes ou les conséquences d’une probable augmentation du volume des prestations. Dans le pire des cas, l’étude B.S.S parvient à la conclusion que les payeurs de primes pourraient faire face à des coûts supplémentaires de l’ordre d’un demi-milliard de francs.
Pourquoi cela fait mal au porte-monnaie
Voici en quelques points les principales raisons pour lesquelles l’estimation d’un demi- milliard de coûts supplémentaires pour le passage du modèle de psychothérapie déléguée au modèle de prescription équivaut à un scénario coûteux, mais réaliste, et n’a rien à voir avec du catastrophisme :
- Transfert des coûts : le transfert des coûts actuellement financés en privé (prise en charge par les patients et assurance complémentaire) vers l’assurance obligatoire des soins devrait occasionner des coûts supplémentaires d’environ 100 millions de francs par an. Les calculs de l’étude confirment sur ce point l’évaluation de l’Office fédéral de la santé.
- Augmentation des tarifs : selon les psychologues, leurs prestations devraient dorénavant être rémunérées au même niveau que celles des psychiatres. Aujourd’hui, une heure de consultation coûte environ 135 francs chez un psychologue et environ 187 francs chez un psychiatre. Une telle augmentation de salaire représenterait à elle seule une hausse de près de 330 millions par an selon l’étude.
- Augmentation des volumes : de meilleures conditions de travail ainsi que la possibilité de facturer à titre indépendant vont augmenter l’attrait de la profession de psychologue. Cela devrait induire un élargissement supplémentaire de l’offre de sorte que les étudiants seront plus nombreux à s’orienter vers la carrière de psychothérapeute. De plus : le droit de facturer à la charge de l’AOS pour les psychothérapeutes devrait inciter les spécialistes de l’étranger à venir s’installer en Suisse. Le nombre de fournisseurs de prestations pouvant facturer à la charge de l’AOS augmenterait ainsi, et simultanément avec elle, le nombre de personnes sollicitant cette offre, en particulier aussi dans le cas de troubles psychiques légers.
- Ces effets ont des répercussions massives sur les coûts. Les auteurs estiment les coûts supplémentaires à 500 millions de francs par an si aucune mesure de restriction n’est prise.
Quelle est la feuille de route ?
L’obligation faite aux psychologues-psychothérapeutes d’être salariés du médecin prescripteur pour pouvoir facturer leurs prestations à la charge de l’assurance de base est un anachronisme. santésuisse partage ce point de vue. En même temps, il faut imposer qu’un passage au modèle de la prescription n’entraîne pas une augmentation injustifiée du volume des prestations, avec des augmentations de primes d’un point ou plus à la clé. En conséquence, santésuisse plaide pour que la modification de l’ordonnance proposée par le Conseil fédéral soit complétée par les points suivants :
- La compétence de prescription doit être limitée à des médecins spécifiquement qualifiés. En aucun cas, elle ne doit être étendue aux fournisseurs de soins de bases au sens large – médecine interne générale, neurologie, gynécologie et obstétrique ainsi que médecine pédiatrique.
- Les effets du changement de modèle sur l’accès et la qualité de la prise en charge psychothérapeutique ainsi que les répercussions sur les coûts doivent obligatoirement être évalués par une institution indépendante chargée de procéder à un contrôle systématique. Des mesures doivent par ailleurs être prévues entre les partenaires tarifaires afin d’adapter les tarifs si nécessaire en cas de répercussions inattendues sur les coûts.
- Si le volume de la psychothérapie réalisée par les psychologues augmente excessivement et entraîne ainsi une hausse des coûts, les cantons ou les assureurs devraient être contraints de limiter le nombre de thérapeutes autorisés à facturer à la charge de l’AOS, soit par un pilotage des admissions par les cantons, soit en accordant aux assureurs la possibilité d’assouplir l’obligation de contracter.
- Une augmentation excessive des coûts doit obligatoirement être contrecarrée par des mesures tarifaires.
En résumé, les répercussions sur les coûts du passage au nouveau système sont impactées par deux facteurs-clés : le futur montant de la rémunération versée aux psychologues- psychothérapeutes d’une part et d’éventuelles dispositions concernant les admissions d’autre part. Dans ce dernier cas, plus le pilotage des admissions sera géré activement, mieux l’évolution des coûts pourra être contrôlée.