Detail
Contre-projet à l’initiative sur les soins infirmiers: un compromis est en vue
Définir les bonnes priorités dans les soins!
Le système de santé nécessite des soins infirmiers forts. Le Conseil des Etats a manifesté son soutien au contre-projet à l’initiative sur les soins infirmiers, mais garde un oeil sur les coûts. La balle est dans le camp du Conseil national.
Les soins infirmiers sont un fondement majeur du système de santé comme la crise du coronavirus l’a clairement mis en évidence. Aussi est-il d’autant plus important de garantir la pérennité future de soins de haute qualité et la couverture des besoins en personnel qualifié en tout temps. Le plus grand défi à relever dans le domaine des soins n’est pas la menace d’une crise, mais bel et bien l’évolution démographique qui entraînera une hausse des besoins en soins. La population ayant recours à des soins va atteindre son niveau maximum à partir de 2030. La Suisse aura alors besoin de beaucoup plus de soignants. Il lui faudra couvrir – et surtout financer – ces besoins croissants. L’évolution démographique entraînera à elle seule des surcoûts annuels se chiffrant par milliards.
Le contre-projet rate la cible
Durant la session d’été 2020, le Conseil des Etats a débattu du contre-projet indirect à l'initiative sur les soins infirmiers. L’objectif recherché est certes compréhensible, mais les moyens proposés vont beaucoup trop loin et créent des incitations qui, au final, finiront même par nuire aux soins. Le projet prévoit une amélioration des conditions de formation et de travail pour l’échelon supérieur des soignants, autrement dit les infirmières et infirmiers, qui représentent environ 30% des personnes travaillant dans le domaine des soins. Or nous avons avant tout besoin d’un accroissement des capacités au niveau des 70% restants de soignants titulaires d'un certificat fédéral de capacité ou d'une attestation fédérale (p. ex. assistant en soins et santé). Ce sont ces catégories qui fournissent en réalité les prestations de soins alors que les infirmières et infirmiers sont davantage occupés par la planification du travail et le contrôle. La priorité devrait donc revenir à ceux qui sont effectivement au chevet des patients. De plus, l’initiative sur les soins infirmiers et le contre-projet indirect créent de dangereux précédents:
1. La compétence de facturer les prestations fournies directement à l’assureur, sans ordonnance médicale, est censée rendre la profession d’infirmier/ère plus attractive. On s’attaquerait ainsi à une pierre angulaire de notre système actuel, où les interactions entre les différentes disciplines du domaine de la santé sont étroites. Le système des ordonnances délivrées par le médecin traitant a fait ses preuves. Il doit avoir une vue d’ensemble et porte aussi la responsabilité globale du traitement, pour le bien des patients.
2. L’initiative sur les soins infirmiers et le contre-projet indirect se concentrent presque exclusivement sur le personnel infirmier. Ce personnel hautement qualifié joue un rôle important dans certains domaines très spécialisés, comme les soins intensifs. Nous l’avons vu avec la crise du coronavirus. Mais dans les soins de base notamment, nous avons besoin d’un personnel soignant de niveau moins élevé (assistant(e)s en soins et santé communautaire et auxiliaires de santé CRS).
Cependant, ni l’initiative ni le contre-projet indirect ne tiennent compte de ces groupes professionnels. Au cours de la session d’été, le Conseil des Etats a au moins pris une décision raisonnable sur un point important: si le personnel infirmier veut à l’avenir prescrire à titre indépendant des prestations et les facturer directement aux assureurs- maladie, il doit au préalable conclure avec ceux-ci des conventions réglementant les critères de qualité et de quantité. A la session d’automne, le Conseil national est invité à placer l’intérêt général en matière de soins au-dessus des intérêts particuliers.