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Interview de Sandra Schneider (OFSP)
« Les forfaits ont du sens dans de nombreux domaines »
Durant la première phase de la crise du coronavirus, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a été sous les projecteurs des médias. Comment avez-vous vécu cette période en tant que responsable de la Division Tarifs et bases?
Sandra Schneider: la Division en tant que telle n’a certes pas été impliqués directement dans l’organisation de crise mais nous l’avons soutenue. Rétrospectivement, ce fut une période intense. Pour mes collaborateurs et moi-même, il a fallu relever le défi d’accomplir nos tâches presque uniquement en travaillant depuis notre domicile.
Dans un temps record, la Confédération a approuvé en mars dernier des tarifs pour les tests de dépistage du coronavirus, les traitements à distance et les séjours hospitaliers. On se demande pourquoi cela ne va pas toujours aussi vite?
La pression sur tous les partenaires a été très forte. Il a fallu trouver rapidement des solutions pragmatiques dans cette situation extraordinaire – en sachant toutefois qu’une crise est limitée dans le temps et que personne n’aurait compris que nous ne prenions pas rapidement des mesures.
Comment s’est déroulée dans cette situation la collaboration avec les partenaires tarifaires?
Elle a été tout à fait agréable et constructive. Nous avons pu trouver très rapidement des solutions sur le plan technique, qui convenaient d’une part à notre système de santé et, d’autre part, aux assureurs qui pouvaient contrôler les coûts de manière relativement simple.
Au mois de mars, en pleine crise de coronavirus, vous avez reçu un projet de tarifs bien ficelé: santésuisse et la FMCH ont trouvé un accord sur des tarifs forfaitaires pour 67 interventions ambulatoires standard. Quand allez-vous approuver ces forfaits?
Si le dossier est complet, nous espérons le traiter dans un délai de 4 à 6 mois. Mais l’OFSP n’est pas le seul office à le traiter. C’est au final le Conseil fédéral qui se prononce sur les nouveaux tarifs. Nous les soumettons au préalable à différents offices et au Surveillant des prix afin qu’ils prennent position. Toute cette procédure prend un certain temps.
Comment évaluez-vous les tarifs ambulatoires en ce qui concerne leur contenu?
Je ne peux en principe pas prendre position sur une procédure en cours et vous remercie de bien vouloir le comprendre. Mais la solution préconisée des forfaits ambulatoires est certainement juste et il faut saluer cette initiative. Dans son dernier message sur les mesures visant à maîtriser les coûts, le Conseil fédéral a proposé d’encourager les forfaits – parce qu’ils ont en général un effet modérateur sur les coûts et qu’ils peuvent être judicieusement utilisés dans de nombreux domaines du système de santé.
Est-ce grave que tous les acteurs n’aient pas déposé ensemble le tarif?
Cela n’est pas si dérangeant. Une structure tarifaire uniforme n’est pas nécessaire pour l’introduction de forfaits – elle peut aussi être introduite ultérieurement. Il y a aussi d’autres exemples de conventions auxquelles tous les partenaires tarifaires ne participent pas.
Quelles tâches faut-il encore mener à bien pour que les forfaits puissent être approuvés?
La situation est la même que pour toutes les requêtes: dès que les partenaires tarifaires ont terminé leur travail, l’OFSP commence son examen détaillé. C’est pour nous l’occasion de poser de nombreuses questions, afin que nous puissions aussi comprendre et vérifier le travail des partenaires tarifaires. Toutes ces tâches préliminaires sont assez exigeantes mais indispensables pour l’évaluation.
santésuisse estime que – selon la spécialité – jusqu’à 80% des prestations ambulatoires peuvent être rémunérées au moyen de forfaits. Partagez-vous ce point de vue?
Je ne souhaite pas m’exprimer sur ce pourcentage. Il peut d’ailleurs varier selon la spécialité. Certaines interventions médicales clairement définies, une opération de la cataracte par exemple, se prêtent très bien aux forfaits. Ils sont moins indiqués lorsque l’examen constitue une part importante de la consultation. Dans ce cas, il est judicieux de tenir compte du temps qu’exige cet examen. Il s’agira à l’avenir d’obtenir un équilibre intelligent entre tarif à la prestation individuelle et tarif forfaitaire, dans le but évident de rembourser de manière comparable des prestations qui sont elles aussi comparables.
Le Tarmed s’applique en Suisse en tant que tarif à l’acte. Les fournisseurs de prestations estiment qu’il est obsolète. Partagez-vous cette opinion?
Ces dernières années, le Conseil fédéral est intervenu à deux reprises et a lui-même adapté différentes positions du Tarmed. A l’évidence, il existe donc un besoin d’agir et une révision totale de ce tarif très complexe s’avère nécessaire. Il faut que les acteurs réussissent à éliminer les incitations erronées et à rendre la fourniture de prestations plus efficiente.
curafutura et la FMH proposent de remplacer le tarif Tarmed par Tardoc. Par l’introduction du Tardoc, les médecins s’engageraient à abaisser sur une période de deux ans toutes les positions tarifaires de 14%. Faut-il craindre qu’on assiste ensuite à une nouvelle explosion des coûts?
Je ne peux pas non plus m’exprimer pour l’instant sur le tarif Tardoc. Par rapport à une possible explosion des coûts, je peux dire ceci: un nouveau tarif doit être efficient et en principe ne pas entraîner des coûts supplémentaires, aussi bien durant la période transitoire qu’après. De plus, le Conseil fédéral propose, dans son premier volet de mesures visant à maîtriser les coûts, que les partenaires tarifaires se mettent d’accord sur des mesures concrètes de pilotage des coûts afin de les juguler à long terme.
Quand l’OFSP prendra-t-il une décision sur le Tardoc?
Les initiants ont modifié des points essentiels du Tardoc et l’ont soumis une nouvelle fois pour approbation. Un réexamen est donc nécessaire, ce qui implique que la décision sera prise plus tard.
Pourquoi l’OFSP n’élabore-t-il pas des tarifs aussi complexes directement avec les assureurs et les fournisseurs de prestations?
L’OFSP n’est pas le bureau des tarifs du système de santé – et ne souhaite d’ailleurs pas le devenir. Nous n’avons pas les capacités ni les données pour élaborer un nouveau tarif ambulatoire. Les assureurs-maladie et les fournisseurs de prestations doivent conserver la liberté de négocier eux-mêmes de tels tarifs. Notre tâche consiste à examiner le résultat et à préparer la décision du Conseil fédéral. Ce partage des rôles a fait ses preuves et doit être maintenu. Pour que cela fonctionne dans tous les domaines, le Conseil fédéral, dans son premier volet de mesures de maîtrise des coûts, a proposé que les partenaires tarifaires aient l’obligation d’instituer une organisation tarifaire.
Une autre requête concerne le tarif des pharmaciens. Avec la rémunération basée sur les prestations (RBP), le travail effectué par les assistantes en pharmacie doit également être rémunéré différemment à l’avenir. Ce serait une mini-révolution dans le domaine de la santé.
Il s’agit dans ce cas aussi d’une affaire en cours, raison pour laquelle je ne peux pas prendre position. La marge de distribution fait également partie des coûts d’un médicament. La prestation du pharmacien lors de la remise du médicament est rémunérée indépendamment de la marge, avec le système de la RBP. Le Conseil fédéral entend réviser la part de la distribution, mais n’a pas encore décidé comment il voulait procéder.
Les coûts sont une chose, la qualité en est une autre – comment l’évaluez-vous en général dans notre système de santé?
La Suisse a un excellent système de santé. L’offre de prestations est très vaste et accessible à toutes les couches de la population, ce qui est fondamentalement positif. Nous devons néanmoins nous poser une question essentielle: les résultats sont-ils à la hauteur des dépenses en comparaison avec d’autres pays? Cet aspect nous préoccupe beaucoup. Je pense que nous avons de plus de transparence afin de pouvoir mieux comparer la qualité des prestations.
En ce qui concerne cette question, de grands espoirs sont liés au projet sur la qualité des soins. Il est prévu de créer à cet effet un organe indépendant au sein duquel assureurs, fournisseurs de prestations et cantons collaboreraient.
La commission pour la qualité est très importante. J’ai le ferme espoir qu’elle fera mieux prendre conscience de l’importance de la qualité et qu’il sera à l’avenir plus facile de la comparer. L’organisme a d’ailleurs la possibilité d’intervenir si la qualité laisse à désirer dans un domaine.
Le pilotage des admissions, qui a été approuvé par le Parlement au cours de la session d’été, est aussi censé favoriser une meilleure qualité. Permettra-t-il de freiner efficacement l’augmentation du nombre des cabinets médicaux?
Cette approbation par le Parlement constitue une avancée majeure. Pour la première fois depuis vingt ans, une solution définitive a été trouvée en matière de réglementation des admissions. Elle est contraignante non seulement pour l’admission elle-même mais aussi pour toute la période durant laquelle travaille un fournisseur de prestations. Le pilotage des admissions est donc un outil important pour garantir la qualité et donner aux cantons la possibilité d’empêcher une augmentation du volume des prestations.
Portrait: Sandra Schneider travaille à l’Office fédéral de la santé publique depuis plus de vingt ans. Juriste de formation, elle fait partie des personnalités marquantes dans le domaine de la santé et quasiment personne ne connaît mieux qu’elle la Loi sur l’assurance-maladie (LAMal). Actuellement, Sandra Schneider est cheffe suppléante de l’Unité de direction Assurance-maladie et accidents à l’OFSP et responsable de la Division Tarifs et bases.