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08.04.2020

Il est grand temps de changer de système

Même principe actif, même origine, mais une importante différence de prix

Alors que le système des prix de référence pour les génériques a fait ses preuves depuis des années dans les pays voisins, les fabricants suisses s’y opposent. Or la crise actuelle du coronavirus révèle que des prix excessifs ne peuvent pas empêcher les difficultés d’approvisionnement de certains produits. Les stocks obligatoires offrent une meilleure protection que les prix excessifs.

L’introduction d’un système de prix de référence pour les médicaments dont le brevet a expiré est un élément central du train de mesures du Conseil fédéral visant à freiner la hausse des coûts. En adoptant un système de remboursement du générique le moins cher, la Suisse pourrait abandonner son statut d’exception qui occasionne des surcoûts sans générer de plus-value. Que ce soit en Allemagne, en Autriche ou en Suisse, les pays occidentaux se procurent généralement des génériques auprès des mêmes pays producteurs, à savoir la Chine ou l’Inde. Or la crise du coronavirus révèle que les prix excessifs ne permettent pas à la Suisse de bénéficier d’un traitement préférentiel. D’après les données de l’OCDE datant de 2016, notre pays est la lanterne rouge en comparaison européenne, avec une part de génériques d’à peine 23 %. En Allemagne et en Grande-Bretagne, cette part dépasse 80 %. En outre, les génériques coûtent en moyenne deux fois plus cher en Suisse que dans les pays étrangers comparables. Et ce malgré le fait que les médicaments soient produits aux mêmes endroits. Cette particularité suisse coûte cher aux payeurs de primes. Aligner le prix des génériques suisses sur la moyenne européenne permettrait d’économiser plusieurs centaines de millions de francs.

Pas de perte de qualité

Il existe depuis longtemps, pour de nombreux médicaments dont le brevet est échu, des génériques contenant les mêmes principes actifs. Le principe actif antalgique paracétamol, par exemple, est disponible aussi bien sous la forme du coûteux « Dafalgan » que dans des médicaments beaucoup moins chers. Si l’on remplaçait par exemple systématiquement l’emballage de loin le plus vendu « Dafalgan » (1g/100 gélules) par le Paracétamol Sandoz (1g/100 gélules), 7 millions de francs par an pourraient être économisés pour ce groupe de principe actif, sans aucune perte de qualité.

Adaptation périodique des prix de référence

Le Conseil fédéral a donc intégré, dans le premier volet de mesures, l’introduction de prix de référence pour les médicaments dont le brevet est échu et leurs génériques. Avec ce système, tous les médicaments composés du même principe actif ou de la même combinaison de principes actifs sont attribués à des groupes. Pour chaque groupe, les autorités compétentes fixent un prix – le prix de référence – que les assureurs-maladie sont tenus de rembourser. Ce prix, généralement aligné sur les génériques les moins chers, est adapté périodiquement à l’évolution du mar- ché. Le patient qui souhaite un médicament plus cher doit payer la différence de sa poche. Si la remise d’un princeps s’impose pour des raisons médicales, celui-ci est remboursé par l’assurance de base. Le Conseil fédéral a proposé deux modèles de calcul du prix de référence. Dans le premier, le prix est déterminé par comparaison avec les prix pratiqués à l’étranger et en appliquant un rabais. Afin de faire jouer la concurrence entre les titulaires d’autorisations, santésuisse privilégie la seconde variante, qui prévoit également un système d’annonce des prix.

Opposition des fabricants de génériques

L’industrie pharmaceutique s’oppose farouchement à l’introduction d’un système de prix de référence. Selon elle, le passage à un système de montants fixes basés sur les classes de principes actifs est une simplification inacceptable qui nuirait à la qualité de traitement des patients. Elle n’hésite pas à brandir le spectre d’une « médecine à deux vitesses antisociale ». Tout en omettant de mentionner que la qualité des génériques est équivalente à celle des originaux et qu’ils doivent surmonter les obstacles élevés à l’admission imposés par « Swissmedic ». La baisse sensible des chiffres d’affaires qui résulterait du potentiel d’économies de plusieurs blement la principale raison pour s’opposer à cette réforme longtemps attendue.

Des prix élevés ne garantissent pas la sécurité de l’approvisionnement

La crise actuelle du coronavirus montre que les prix élevés qui doivent être payés en Suisse ne protègent pas contre les problèmes d’approvisionnement ponctuels en cas de crise. Il est donc juste et important que les stocks soient suffisamment approvisionnés. En outre, pour des situations telle que la crise actuelle, des mesures spéciales doivent être prises, par exemple pour empêcher des achats dans le but de constituer des stocks (« achats de hamsters »).

Les prix de référence ont fait leurs preuves à l’étranger

En changeant de système, la Suisse ne s’aventure pas en terre inconnue : elle ne ferait que suivre l’exemple de plus de vingt pays européens dans lesquels le remboursement basé sur le principe actif fait ses preuves depuis des années pour les médicaments dont le brevet est échu et leurs génériques. Il incombe au Parlement de décider, dans le cadre des délibérations concernant le premier volet de mesures visant à réduire les coûts du Conseil fédéral, à quel moment la Suisse devra changer de système, ce dernier nécessitant une adaptation de la loi sur l’assurance-maladie.  

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