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Réserves des assureurs-maladie
Réduction inutile et dangereuse des réserves des assureurs-maladie
Le Conseil fédéral joue avec le feu: il veut assouplir à partir de juin 2021 les dispositions relatives au montant des réserves que doivent constituer les assureurs-maladie. Ce faisant, il met inutilement en péril la stabilité et la qualité du système de santé suisse.
La pandémie de coronavirus révèle le rôle central joué par les assureurs-maladie dans le système de santé suisse. Au début de l’été, ils ont donné un signe rassurant en annonçant que grâce aux solides réserves disponibles, aucune augmentation de prime ne serait nécessaire en 2021.
Bien que les dangers de la pandémie soient loin d’être écartés, le Conseil fédéral veut cependant inciter les assureurs-maladie à réduire leurs réserves bien au-delà de ce qui était autorisé jusqu’à maintenant. santésuisse s’élève avec force contre ce projet, «parce qu’il est irresponsable et risqué», comme le souligne Christoph Kilchenmann, économiste en chef et directeur adjoint de santésuisse.
Concrètement, le Conseil fédéral veut modifier l’Ordonnance sur la surveillance de l’assurance-maladie (OSAMal) et autoriser une réduction des réserves au minimum légal. Le projet a été mis en consultation le 18 septembre 2020 et la nouvelle réglementation doit entrer en vigueur en juin 2021. Compte tenu des fluctuations aussi importantes qu’imprévisibles de la solvabilité, santésuisse considère qu’une réduction des réserves jusqu’au minimum légal serait une décision imprudente. Ce n’est pas sans raison que l’OFSP n’a autorisé jusqu’ici une diminution des réserves que s’il peut être garanti, une fois les réserves réduites, que celles-ci restent supérieures de 50% au minimum légal. Cela permet de minimiser les fluctuations de primes et d’éviter l’insolvabilité d’assureurs.
Éviter un effet de yoyo comme en 2008
«Le Conseil fédéral s’accommode d’effets de yoyo indésirables au niveau économique et social», prévient Christoph Kilchenmann. Si les primes ne sont pas adaptées à temps à l’évolution des coûts, ce retard devra être compensé l’année suivante – voire déjà en cours d’année – par des hausses de primes importantes, comme par exemple en 2008. à l’époque, le conseiller fédéral Pascal Couchepin avait obligé les assureurs-maladie à maintenir les primes artificiellement basses en réduisant les réserves. Cela n’a pas été sans conséquences: la Suisse a enregistré les années suivantes les plus fortes augmentations de primes connues depuis l’introduction de la loi sur l’assurance-maladie. Un scénario similaire pourrait à nouveau se produire et des retombées encore pires sont envisageables pour la branche. Si tous les assureurs réduisaient leurs réserves au minimum, un assureur serait en situation d’insolvabilité tous les 3 à 4 ans.
Spirale de risque
Avec la modification prévue de l’OSAMal, le Conseil fédéral empiète sur l’autonomie des assureurs-maladie sociaux et introduit un risque accru déterminant pour le système. Une spirale de risque pourrait en résulter: ceux qui acceptent plus de risques pourraient offrir des primes plus basses. Christoph Kilchenmann est convaincu que «si, pour des raisons justifiées, un assureur-maladie ne veut pas réduire ses réserves jusqu’au nouveau minimum légal, il devra faire face à une énorme pression politique et sociale et sera accusé de faire enfler les primes».
Le Conseil fédéral donne une fausse impression
Le Conseil fédéral porte également atteinte à la crédibilité des assureurs-maladie. Par son projet, il donne l’impression que les réserves des assureurs-maladie sont trop élevées, donnant ainsi une image totalement fausse. Les réserves dont les assureurs-maladie disposent aujourd’hui n’équivalent, au total, qu’à trois ou quatre primes mensuelles. Cela garantit des finances solides pour l’assurance-maladie sociale et l’affirmation selon laquelle les assureurs-maladie accumulent des réserves excessives est fausse. C’est ce que montre une comparaison avec d’autres assurances sociales comme l’AVS ou l’assurance-accidents qui disposent toutes deux de réserves beaucoup plus importantes. La plupart des assureurs privés possèdent également des fonds propres qui sont environ deux fois plus élevés que le minimum requis par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Cela est d’autant plus frappant que les assureurs privés seraient en principe libres de réduire au minimum leurs capitaux propres au bénéfice des propriétaires. Christoph Kilchenmann fait également appel au bon sens des acteurs politiques: «Il est important de ne pas prendre de risques et de ne pas mettre en péril le financement du système de santé en bradant inutilement les précieuses réserves».