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14.12.2020

Que pensent des experts de la proposition du Conseil fédéral?

Une réduction des réserves au minimum légal est irréaliste

«Irresponsable d’un point de vue entrepreneurial»

En tant qu’experte externe de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), Alena Kouba a développé le test de solvabilité qui permet d’évaluer la situation financière d’un assureur-maladie. Introduit en 2012, il s’agit, selon Alena Kouba, d’une véritable rupture avec le passé: «La vision statique des exigences concernant les réserves des assureurs a fait place à une valeur de marché dynamique. Ce changement était important et approprié. Le marché est en constante évolution pour les assureurs, sans qu’ils puissent exercer une quelconque influence.»

«Un taux de solvabilité de 150% au minimum»

En tant qu’autorité de surveillance, l’OFSP exigeait jusqu’alors un montant fixe pour les réserves minimales, en fonction du nombre d’assurés. Le test de solvabilité est basé pour sa part sur les différents risques auxquels un assureur est exposé. Le calcul tient compte par exemple d’une évolution négative des marchés boursiers et financiers, mais aussi d’un événement inattendu comme l’actuelle pandémie de coronavirus. Alena Kouba considère qu’un taux de solvabilité (voir encadré) de 150% est un minimum pour les assureurs opérant dans le domaine de l’assurance obligatoire des soins (AOS). Elle n’est pas favorable à un abaissement de ce taux.

Alena Kouba estime que des réserves nettement supérieures au seuil de 100% sont indispensables pour garantir la survie d’un assureur-maladie: «Un assureur-maladie avec un taux de solvabilité de 100% peut ne commettre aucune erreur et se retrouver malgré tout avec un taux de 30 ou 40% en raison d’influences négatives externes». Le fait qu’actuellement, sur un total de 56 assureurs-maladie, seuls 6 soient en dessous de 150% montre qu’ils sont conscients de leur responsabilité et ne mettent pas volontairement en danger l’avenir de leur entreprise.

Alena Kouba, experte externe de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP)

«Une intervention contestable sur le marché»

Le professeur Martin Eling, directeur de l’Institut d’économie de l’assurance de l’Université de Saint-Gall, se montre prudent lorsqu’il s’agit d’émettre une opinion sur la proposition du Conseil fédéral: «En comparaison internationale et par rapport à d’autres domaines d’assurance, le projet est pour le moins insolite». Personne n’est encore allé aussi loin que le Conseil fédéral jusqu’ici. Il cite par exemple les assurances-vie et les assurances complémentaires en Suisse et à l’étranger. Les taux de solvabilité (voir encadré) y atteignent 200% voire plus de 300% et sont donc nettement plus élevés que dans l’assurance obligatoire des soins (AOS). «Le monde politique a certes clairement indiqué qu’il souhaite un taux de solvabilité plus bas. Economiquement parlant, cette ingérence ne fait toutefois pas partie de ses prérogatives», déclare Martin Eling.

«Une certaine marge de sécurité est nécessaire»

À partir d’un taux de solvabilité de 100% voire inférieur, il parle même de «scénario catastrophe» auquel un assureur serait confronté: «Chaque entreprise a besoin d’une marge de sécurité suffisamment élevée, supérieure à 100%, pour pouvoir compenser les fluctuations normales du marché». Le niveau approprié des réserves varie d’un assureur-maladie à l’autre. «Le taux de solvabilité ne doit certainement pas être de 350% dans tous les cas. Mais il est également clair qu’il n’est pas possible de diversifier les risques dans la même mesure pour tous les assureurs. La politique des réserves doit en tenir compte. C’est pourquoi le principe de réduction volontaire des réserves qui prévaut actuellement ne doit pas être abandonné sans nécessité.

Martin Eling, directeur de l’Institut d’économie de l’assurance de l’Université de Saint-Gall

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